Démarche picturale
Un monde de sensations
Ma peinture puise à une réalité très
profonde, une réalité seconde, enfouie au plus intime,
dans les strates les plus anciennes de la mémoire.
Des sensations visuelles colorées, parfois tactiles, à
l’origine d’émotions profondes, généralement source
de plaisir et de bonheur, sont le plus souvent la cause du
surgissement de ces images oubliées de la mémoire. Tout se
passe comme si, en travaillant, j’allais soudain puiser dans cette
bibliothèque d’images comme pour les tirer de l’oubli; l’une ou
l’autre d’entre elles en accord avec les émotions du jour
s’impose à moi, pour peu que j’abandonne le contrôle
de la toile et accepte le lâcher-prise nécessaire pour
rejoindre ce qui vit en moi et que j’ignore encore avant d’entrer dans
l’acte de peindre.
Des paysages intérieurs
Au fil du temps, j’ai compris que parfois je cherche à
partager le plaisir tactile des yeux à travers les effets de la
matière: le rugueux, le velouté , le lisse, comme lorsque,
enfant, il me fallait toucher et caresser les étoffes ou
saisir sur l’arbre les fruits pendant les vacances d’été
pour les goûter; parfois la fluidité de l’acrylique ou de
l’encre me fait restituer des atmosphères marines, des
ciels liquides, la transparence de l’eau, les reflets de la
lumière dans l’eau qui bouge, tout ce qui me fascine encore
aujourd’hui; je me retrouve souvent en milieu aqueux, souvenirs de mer,
d’étangs, plaisir de nager sur et sous l’eau…
Est-ce sensibilité à mon environnement ou plus
profondément résurgence de vie intra-uterine, je ne sais…
Il n’est pas rare en tout cas que des paysages intérieurs,
proches d’univers marins ou tout du moins aquatiques, s’invitent dans ma
peinture. Je les laisse advenir.
Et puis j’essaie d’aller plus loin. La mer par exemple devient
prétexte à l’étude des rythmes, à moins que
ce ne soit les rythmes horizontaux qui m’évoquent
immanquablement la mer.
Et s’ensuit à l’infini l’étude des variations du rythme,
de la couleur , de la lumière jusqu'à atteindre la
vibration qui me semble juste.
Eveiller les sens au monde
Je travaille dans la quête de cet instant magique où le
geste est en total accord avec la pensée, la matière avec
l’esprit, ce moment rare où l’on se sent plus proche de
l’harmonie du monde en faisant corps avec la toile, et où du
même coup la peinture devient vivante. Et quand par l’entremise
des sensations que véhicule la matière picturale, les sens
du spectateur sont éveillés, il arrive -et je
l’espère- que ce dernier entre en résonance avec
l’émotion qui a guidé mon geste. Il perçoit
à son tour la réalité profonde des choses et
entre en communion.
Bénédicte de Dinechin